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« Africaniser » la « bibliothèque coloniale » ? La production des savoirs par les instituteurs africains d'AOF (1913-1959)
Céline Labrune-Badiane  1, 2@  , Etienne Smith  3, *@  
1 : Université Paris VII
Cessma
2 : Archéologie Industrielle, Histoire, Patrimoine- Géographie, Développement, Environnement de la Caraïbe [EA 929]  (AIHP-GEODE)  -  Site web
Faculté des Lettres et Sciences Humaines - Campus Universitaire B.P. 7207 97275 Schoelcher cedex -  Martinique
3 : Chaire d'Etudes Africaines Comparées EGE
Rabat -  Maroc
* : Auteur correspondant

Cette communication interroge le rôle des instituteurs africains d'AOF dans la production des savoirs ethnographiques et historiques sur l'AOF. Longtemps considérée comme une « littérature d'instituteurs » ou « littérature mineure », cette production s'est fait connaître en particulier grâce au Bulletin de l'Enseignement en AOF (puis Education Africaine) de 1913 à 1959. Comparativement à d'autres revues coloniales, la revue se singularise par la participation précoce et massive d'instituteurs africains, lui conférant une position particulière au sein de « l'Afrique en revue » (M.-A. De Suremain 2001).

A partir de l'étude systématique du Bulletin, d'une analyse comparative avec d'autres revues plus éphémères et des « Cahiers Ponty », la communication s'intéresse aux types de savoirs produits selon les périodes, aux stratégies d'écritures et de positionnement des contributeurs africains jouant avec les règles et savoirs prescrits, la mise en débat des méthodologies. Qui sont les instituteurs qui écrivent ? Comment se positionnent-ils par rapport à l'exercice imposé ? Comment leurs contributions nourrissent-elles une réflexion sur les méthodes ? Espace de confrontations feutrées, de censure et d'autocensure, la revue est aussi un lieu de débat et de reconnaissance d'identités d'auteurs. C'est enfin une véritable pépinière de savoirs ethnographiques sur l'AOF et une antichambre vers des revues plus prestigieuses. Son étude exhaustive permet d'enrichir les débats sur la places assignés aux élites lettrées dans la division du travail scientifique colonial (S. Dulucq, 2009 ; J.-H. Jézéquel, 2002 ; A. Piriou 1997, 2003 ; Bank & Bank 2013). Enfin, la contribution questionne la prise de parole des contributeurs africains sur la question de l'assimilation et du métissage culturels, restituant la diversité des points de vue : de la critique des excès de l'assimilation culturelle à la dénonciation de ses limites ou de son hypocrisie, de la reprise enthousiaste de l'injonction de tradition à la contestation virulente des assignations identitaires. Cette diversité fait écho à l'ambivalence des catégories et projets coloniaux eux-mêmes (Cooper & Stoler, 1997 ; Conklin, 1997 ; Wilder, 2005), en particulier en matière scolaire (Bouche, 1968 ; Sabatier, 1978 ; Gamble, 2009) mais reflète aussi les préoccupations spécifiques d'instituteurs et apprentis instituteurs d'AOF vivant entre deux mondes. Son étude permet de nuancer les débats sur l'assimilation en contexte colonial vue par les élites lettrées (A. Letnev, 1979 ; P. Sabatier 1980, F. Manchuelle, 1995 ; J. –H. Jézéquel 1999, P. Zachernuk, 2000 ; G. Desai, 2001 ; H.-J. Lüsebrink, 2003).



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