De nombreux travaux consacrés aux relations entre dynamiques sociales et environnementales ont permis de déconstruire les explications orthodoxes des phénomènes (perçus ou réels) de dégradation environnementale (Forsyth, 2003) ; l'Afrique fournissant de nombreux exemples à ces démonstrations (notamment Leach, Mearns, 1996). L'étude de l'érosion des sols constitue un thème phare de ces études, notamment à travers l'exemple du Kenya (Tiffen et al., 1990), où les programmes de lutte anti-érosive sous l'ère coloniale, justifiés par des arguments environnementalistes, servaient en réalité des enjeux politiques (Anderson, 1984). Une vision apolitique des dynamiques environnementales, éludant largement la question foncière, perdure encore aujourd'hui dans la formulation des projets de conservation, comme le révèle notre cas d'étude.
A travers l'exemple de l'amont du bassin versant du Lac Naivasha au Kenya, sur le piémont des montagnes Aberdare, et en nous appuyant sur l'étude des publications et rapports réalisés par les acteurs de la conservation, la conduite de nombreux entretiens et des travaux d'observation, nous discuterons le contenu des discours sur la dégradation environnementale et des solutions proposées pour y remédier.
Nous verrons tout d'abord la forte continuité des discours actuels avec ceux produits dans le passé sur l'érosion des sols. Les divers émetteurs de ces discours (communauté épistémique locale, ONG environnementales et agences de coopération européennes) proposent une vision très homogène de la dégradation environnementale supposément à l'œuvre. S'y déploie une explication très orthodoxe du phénomène d'érosion, notamment présenté comme le résultat de la croissance démographique, sans que ne soient jamais considérées ses facteurs historique et politique. L'originalité des discours actuels résident davantage dans l'articulation soulignée entre les ressources foncière et hydrique qui participe à élargir la zone d'impact du problème.
Nous nous pencherons ensuite sur les solutions proposées pour remédier à ce phénomène supposé de dégradation de la qualité de la ressource hydrique. Nous verrons que malgré le recours à des instruments « à la mode » (comme les paiements pour services environnementaux), ces projets recyclent des méthodes anciennes. Les mêmes activités de conservation que sous la période coloniale, ou plus récemment sous le régime du président Moi, sont mises en place.
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