Les grandes sècheresses des décennies 1970-1980 ont entraîné des bouleversements importants au Sahel (baisse sensible des récoltes, famines, déplacements de population, modifications dans les itinéraires de transhumance, exacerbations des conflits locaux entre éleveurs et agriculteurs etc.) et sont restées dans la mémoire collective des éleveurs et agriculteurs comme des années maudites «Hitaané bonni[1] » (Fall, 2014). Les ressources naturelles agricoles et pastorales (sols, surface en eau, couvert végétal servant de fourrage) ont connu ainsi des dégradations importantes durant ces années de sècheresses renforçant ainsi la vulnérabilité des sociétés rurales sahéliennes qui n'ont d'autre recours que l'exode vers les centres urbains. Cependant, les études et observations récentes montrent une tendance à l'amélioration des conditions du milieu naturel ces dernières années (Olsson et al, 2005, Nicholson, 2005, Lebel et al, 2009) au niveau régional dans un contexte actuel qui reste aussi marqué par une forte démographie et les sérieux défis qu'elle pose, des tensions politiques aux conséquences territoriales importantes (Nord du Mali, du Niger et du Nigéria) et des populations rurales toujours vulnérables. Dans le Ferlo et dans le bassin arachidier sénégalais, le pastoralisme et l'agriculture sont respectivement les activités principales pouvant tirer profit de cette tendance d'augmentation des volumes d'eau précipitées annuellement. Or, les récentes orientations majeures des politiques publiques sénégalaises tendant plus vers la promotion de l'autosuffisance et de la sécurité alimentaires, continuent de privilégier l'agriculture au détriment de l'élevage qui a du mal à se moderniser et à répondre ainsi à une demande sans cesse croissante des populations en ressources animalières. Cette volonté des pouvoirs publiques et des groupes sociaux puissants se manifeste par une extension rapide des cultures de décrues au niveau de la vallée du fleuve et dans le bassin arachidier où le riz pluvial a fait son apparition dans le cadre du développement des domaines agricoles communs comme nouvelle politique de retour à la terre. A cela s'ajoute l'extension rapide du front agricole mouride en direction du Ferlo sud. La conséquence de cette situation est une réduction progressive des espaces qui étaient utilisés jusqu'ici par l'élevage extensif ainsi que la modification des paysages ruraux. Par ailleurs cette volonté manifeste des pouvoirs publics à transformer les territoires ruraux dans le cadre de l'acte III de la décentralisation avec une communalisation complète sur tout le territoire sénégalais, au-delà des nouveaux conflits qu'il engendre, pose la question de l'adaptation des modes de gestion et d'accès à l'espace et aux ressources naturelles. La prépondérance de ces puissants facteurs sociopolitiques dans la réorganisation actuelle des activités agropastorales et des territoires ruraux, montre la complexité qui accompagne la dynamique des changements socioenvironnementaux en cours dans le Sénégal intérieur qui n'est plus imputable au seul paramètre bioclimatique.
[1] Année noire en langue Peul.
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