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Kabanda Marcel

L'écriture de l'histoire du génocide des Tutsi : les sources et les leçons du prétoire
Ornella Rovetta  1@  , Marcel Kabanda  2@  
1 : Université Libre de Bruxelles [Bruxelles], Centre de recherche Mondes Modernes et Contemporains  (ULB)  -  Site web
Avenue Franklin Roosevelt 50 - 1050 Bruxelles -  Belgique
2 : Président Ibuka France
FRANCE

Cette proposition s'articule en deux axes, la justice et l'écriture de l'histoire. Elle a pour ambition de dresser un bilan du travail judiciaire entrepris depuis 1994 en examinant ses apports à l'étude du génocide des Tutsi. En 2014, la vingtième commémoration du génocide a coïncidé avec la fin d'un cycle et le commencement d'une nouvelle ère sur le plan de la justice transitionnelle : les Gacaca ont achevé leurs travaux au Rwanda en 2012 ; le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) a fermé ses portes le 31 décembre 2015. L'ouverture du premier procès pour génocide des Tutsi en France en 2014 et le nombre croissant de décisions d'extradition vers le Rwanda marquent, elles aussi, une véritable rupture avec l'impunité. À ce titre, la communication étudiera les liens tissés entre récit judiciaire et récit historique afin de mettre en lumière les tensions entre ces deux approches. En effet, les procès s'inscrivent pleinement dans le processus de mémoire et de réparation initié au lendemain du génocide. Mais ils participent également à l'élaboration des connaissances à travers la collecte et la production d'une documentation considérable sur les massacres perpétrés au Rwanda entre les mois d'avril et de juillet 1994.

Les travaux sur l'histoire de la Shoah et sur la place qu'occupent les matériaux issus des procès de l'après-Seconde Guerre mondiale dans l'ensemble des sources sur la destruction des Juifs d'Europe constituent un point de repère essentiel dans notre approche (Bloxham, 2001 ; Brayard, 2000 ; Hilberg, 2001 ; Priemel, 2013). La guerre en ex-Yougoslavie a, elle aussi, fait l'objet de recherches attentives aux spécificités du témoignage judiciaire et plus largement, aux modes de mise en récit des violences de masse (Claverie, 2009 ; Delpla, 2008). Enfin, ces recherches ont particulièrement mis en évidence les différences d'appréhension des sources par les historiens et par la justice à travers un travail de déconstruction de ces sources (Lagrou, 2013 ; Rousso, 2012 ; Thomas, 1998 ; Wittmann, 2005). Le TPIR est, lui aussi, tributaire des contraintes inhérentes à tout processus judiciaire. Au fil des enquêtes et des procès, c'est toutefois un panorama historique bien plus large qui s'esquisse à travers les très nombreuses sources documentaires et testimoniales. En s'appuyant sur un corpus d'archives rassemblées et produites par le TPIR, cette contribution examine de manière parallèle les enjeux judiciaires des procès et les tensions qui entourent l'écriture historique dans et hors du prétoire. Cependant, l'histoire est aussi une pédagogie. En l'occurrence il s'agit d'une pédagogie de la prévention, de la responsabilité de protéger les sociétés contre la violence de masse. Mis bout à bout, les procès sont un scan du processus qui a conduit à la catastrophe. Ils permettent d'évacuer l'excuse de l'imprévisible spontanéité. En même temps qu'ils dégagent la responsabilité des individus, ils permettent de démonter les séquences et leur enchaînement révélant les possibilités pour les politiques d'identifier les situations de risque et les possibilités d'agir. Cette justice transitionnelle participe donc à l'écriture de l'histoire autant qu'elle contribue à la promotion de la responsabilité et de l'éthique en politique.

 



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