ATELIER : Littératures africaines, mobilités et dynamiques cosmopolitiques (Catherine Mazauric)
Malgré les difficultés d'émergence qu'elle éprouve en Europe, la littérature des écrivains de la diaspora congolaise gagne une visibilité de plus en plus remarquable ces dernières années, comme le témoigne le succès du premier roman de Fiston Mwanza Mujila, Tram 83, entre autres. Cette communication traite du thème de la traversée de frontières géographiques et disciplinaires ou conceptuelles dans plusieurs textes contemporains congolais de mon corpus, écrits et publiés en diaspora.
Dans quelle mesure cette littérature reflète-t-elle les traversées physiques qu'ont faites ces auteurs ? Cette étude abordera les liens qui pourraient exister entre la mobilité des écrivains entre le Congo et l'Europe, et les traversées ou questionnements de frontières divers représentés dans et réalisés par leurs textes. D'abord, je considèrerai les représentations chez plusieurs écrivains, dont Fiston Mwanza Mujila, de la mobilité géographique, que ce soit le déplacement ou la migration (interne et internationale) des personnages ou la création, dans ces romans, d'espaces caractérisés par le mélange de langues et de cultures qui y sont présentes. Souvent, loin de pouvoir essentialiser ou enfermer le Congo de ces romans dans son africanité, nous sommes confrontés à un monde littéraire où les divisions qui séparent langues et cultures sont constamment transgressées ou brouillées.
Un peu plus loin, je montrerai comment ces romans questionnent une compréhension binaire ou cloisonnée d'un « être-au-monde » en mettant en cause les frontières et les divisions disciplinaires, épistémologiques ou même ontologiques dans le texte. Je donnerai quelques exemples de tropes et de personnages dans ce corpus qui, en démontrant une façon d'être au monde ou une identité qui ne sépare pas la matérialité de la spiritualité, le corps de l'esprit, l'action de la parole (Jewsiewicki), commettent des actes de « trespassing » en enfreignant les règles ou les paradigmes habituellement utilisés pour comprendre la subjectivité humaine, surtout dans les milieux universitaires. En fonction du temps disponible je considèrerai également l'hybridation des genres et les choix esthétiques des auteurs qui dérangent, eux aussi, nos catégories souvent si bien définies.
Cette communication vise à montrer comment ces textes nous ouvrent de nouvelles possibilités de pensée en faisant entendre des voix distinctives et singulières qui ébranlent toute théorie figée. La rencontre de cultures européennes et congolaises dans ces textes diasporiques fait construire de nouvelles narrations qui traversent les frontières des cultures et des disciplines et bouleversent nos manières de comprendre le monde, sa destruction et sa persistance.
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