Entre le Burkina Faso et la Côte d'Ivoire, les migrations internationales des Burkinabè ne sont pas toujours linéaires et directes ; les migrations internes les précèdent ou prolongent les étapes résidentielles qui les caractérisent. En Côte d'Ivoire, plusieurs émigrés burkinabè, après avoir résidé dans le sud-est de ce pays, ont suivi les fronts pionniers agricoles en direction de l'ouest (Balac, 1997 ; Dozon, 1997). Depuis la fin de la décennie 1970, le sud-ouest de la Côte d'Ivoire est devenu une importante destination pour les émigrés burkinabè en provenance du Burkina Faso. De fait, les courants migratoires internes semblent guider le choix des destinations des migrants internationaux. Cette dynamique migratoire s'observe également au Burkina Faso. Certains migrants de retour en provenance de Côte d'Ivoire se sont installés dans la partie septentrionale de l'ouest du pays et le « pays mossi » avant de migrer vers les fronts pionniers agricoles situés plus au sud du Burkina Faso et déjà alimentés par des migrations internes (Marchal et Quesnel, 1995 ; Paré et Tallet, 1999 ; Zongo, 2005 ; Néya, 2010). D'autres Burkinabè de retour rejoignent directement leurs proches à l'Ouest au détriment des régions d'où ils avaient émigré à destination de la Côte d'Ivoire (Blion, 1992 ; Zongo, 2003 ; Néya, 2010).
La convergence des migrations interne et internationale des Burkinabè vers les villes ou villages dans l'espace migratoire ivoiro-burkinabè pose la question des interrelations qui existent entre ces deux types de flux. Autrement dit, comment les migrations internes et internationales pratiquées par des Burkinabè et qui se rencontrent aussi bien en Côte d'Ivoire qu'au Burkina Faso s'influencent-elles réciproquement ? Plus spécifiquement : comment les migrations internes des uns déterminent-elles la trajectoire des migrations internationales des autres ? Comment la migration interne devient-elle une migration internationale ? Comment la migration interne participe-t-elle à la déconstruction du rapport à la mobilité des migrants internationaux ?
La présente communication postule que les migrations internes et internationales s'alimentent réciproquement. Non seulement, l'amélioration des conditions de vie liée à la mobilité interne participe à la déconstruction de la vie à l'étranger, mais aussi le migrant international est celui qui renseigne sur les opportunités offertes au-delà de la frontière nationale et pousse à la migration internationale. Cette communication analyse les rapports à la mobilité induits par les interrelations entre la migration interne et internationale des Burkinabè dans l'espace migratoire ivoiro-burkinabè. Elle s'appuie sur des données collectées au Burkina Faso et en Côte d'Ivoire auprès des immigrés burkinabè et leurs descendants nés ou ayant vécu en Côte d'Ivoire et la littérature sur la migration des Burkinabè.
D'abord, cette communication décrit comment les migrations internes orientent les trajectoires migratoires internationales d'ensemble. Puis elle montre comment les destinations des migrants internationaux deviennent des lieux pourvoyeurs à leur tour de nouveaux migrants internationaux. Enfin, la communication montre comment à partir de leurs expériences à l'étranger et celles des migrants internes au pays d'origine, les migrants internationaux sont arrivés à privilégier les mobilités internes, voire la circulation transnationale, au détriment de la migration internationale.