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Parcours de juristes africains au sein de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP) : une stratégie d'autonomisation du champ des droits de l'homme ?
Lison Guignard  1@  
1 : École Normale Supérieure de Cachan  (ENS Cachan)  -  Site web
École normale supérieure [ENS] - Cachan, École normale supérieure (ENS) - Cachan
61, avenue du Président Wilson - 94230 Cachan -  France

Cette proposition est consacrée à la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP) par l'étude de ses membres et de leurs parcours. La CADHP - créée en 1987 au sein de l'Union africaine afin de promouvoir les droits de l'homme et des peuples et d'assurer leur protection - s'inscrit dans des dynamiques concurrentes de production et de globalisation du droit. Peu connue et peu étudiée, la CADHP apparaît comme une institution faible au statut ambigu. En effet, ses décisions n'ont pas force exécutoire immédiate. Elle dépend donc fortement des Etats-nations membres de l'UA pour les faire appliquer. Ce à quoi s'ajoute le fait que depuis 2008, elle coexiste avec la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples qui est elle, un organe véritablement juridictionnel. 

L'avenir de la CADHP semble très incertain si l'on compare le système de protection africain des droits de l'homme avec ceux des autres continents, et la trajectoire qu'ont connue de telles commissions. Ainsi, au sein du Conseil de l'Europe, depuis que la Cour européenne des droits de l'homme a été rendue permanente en 1998, la commission éponyme a été supprimée. Dans le système interaméricain des droits de l'homme, la commission interaméricaine créée en 1959 a continué à coexister avec la création de la Cour interaméricaine en 1969. Pour autant, la CADHP constitue une arène et un levier de contestation de pouvoir pour une « communauté de juristes » qui y voient l'opportunité de diffuser de nouvelles normes globales via l'ouverture d'espace de pratiques et d'expertises juridiques nouveaux.

Nous nous consacrerons à l'étude des acteurs qui sont membres de cette commission et en particulier à l'analyse des trajectoires des deux catégories de juristes qu'il est possible de distinguer. D'une part, les conseillers juridiques – fonctionnaires de l'UA ou mis à sa disposition dans le cadre de la coopération internationale, s'affirment comme « techniciens indépendants ». Cheville ouvrière de l'institution, ils agissent sur la base d'une spécialisation technique, pas d'une implication civique. D'autre part, les onze commissaires aux droits de l'homme de l'Union africaine mettent davantage en avant leur passé militant. Non permanents, ils sont proposés à titre honorifique par leur gouvernement respectif, chacun exerçant sa profession dans son propre pays.

 Nous faisons l'hypothèse que ces juristes déploient des stratégies professionnelles à l'intersection entre le niveau national et le niveau international. Ils contribuent à la fois à l'institutionnalisation des droits de l'homme sur le continent africain et à l'internationalisation des champs juridiques nationaux. Loin de postuler un autocontrôle total des juristes sur leurs carrières, il s'agit d'évaluer si les stratégies qu'ils mettent en place au sein de la CADHP concourent à en faire des professionnels du métier de « défenseurs des droits de l'homme » sur le continent.

Les principales données collectées sont issues d'une expérience d'observation à la session extraordinaire de la CADHP, qui s'est tenue à Banjul en Gambie en mars 2014. Elle s'est accompagnée d'une campagne d'entretiens auprès de divers acteurs présents à cette occasion ainsi que de la consultation de documents d'archives et de la presse. Des informations sur les anciens juristes de la CADHP ont été réunies à l'aide des biographies compilées sur le site internet de l'organisation.

 

Agrikoliansky Eric, « Les usages protestataires du droit », in E. Agrikoliansky et al., Penser les mouvements sociaux, Paris, La Découverte « Recherches », 2010, p. 225-243.

Debos Marielle, « La création de la Cour africaine des droits de l'Homme et des peuples. Les dessous d'une ingénierie institutionnelle multicentrée », Cultures & Conflits [En ligne], 60 | hiver 2005.

Dezalay Sara, « Des droits de l'homme au marché du développement », Actes de la recherche en sciences sociales 4/ 2008 (n° 174).

Israel Liora, « Quand les professionnels de justice revendiquent leur engagement », in Jacques Commaille et Martine Kaluszynski, 2007, La fonction politique de la justice, La Découverte, « Recherche/Les territoires du politique », Paris, p. 119-142.

Rask Madsen Mikael, « Make Law, Not War » : les « sociétés impériales » confrontées à l'institutionnalisation internationale des droits de l'Homme', Actes de la recherche en sciences sociales, no. 151-152, mars 2004, p.96

Vauchez Antoine, « Le prisme circulatoire. Retour sur un leitmotiv académique », Critique internationale 2/ 2013 (N° 59).



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