Panel : « Appropriations et réappropriations de savoirs et de savoir-faire en Afrique » proposé par Marie-Albane de Suremain
Depuis 2007, le cancer du col utérin est considéré comme une « priorité nationale » en matière de santé publique au Burkina Faso ; ce type de cancer, parmi les premiers qui touchent les femmes dans ce pays, a d'ailleurs une place non-négligeable dans le plan national de lutte contre les cancers. La prise en charge étant marquée par d'importantes contraintes structurelles, techniques et financières (manque d'infrastructures, de médicaments et de spécialistes, coûts élevés des traitements), la stratégie adoptée pour lutter contre la maladie privilégie la prévention secondaire. Ainsi sont proposés le dépistage et le traitement précoce des lésions précancéreuses. Pour ce faire, divers organismes (institutions internationales, ONGI) ont soutenu l'introduction et la vulgarisation de méthodes de dépistage et de prise en charge simples et peu coûteuses.
Dans cette communication, je souhaite démontrer les modalités d'introduction de ces nouveaux procédés médico-techniques au Burkina Faso, ainsi que leurs répercussions sur l'organisation hospitalière et l'accès aux soins. Qui sont les acteurs qui diffusent et promeuvent ces outils ? Quelles méthodes de diffusion emploient-ils, sur quelles sources « scientifiques » s'appuient-ils ? A qui s'adressent-ils pour faire la promotion et introduire de nouvelles techniques ? Du côté du terrain, comment sont reçues, (ré)appropriées et diffusées ces méthodes, et par qui ?
Dans l'optique de déterminer les points de vue des différents acteurs en présence, je décrirai leurs objectifs, stratégies et intérêts. Je me pencherai notamment sur ce qu'implique concrètement la mobilisation de ces nouveaux outils au Burkina Faso: que permettent et entraînent ces nouvelles pratiques ? Cela m'amènera à soulever les enjeux politiques, sociaux et symboliques engendrés par la maîtrise de ces techniques sur le traitement des corps soignés et sur l'organisation du corps soignant.
L'adoption de ces nouvelles techniques permet bien sûr d'éviter le développement d'un cancer invasif, mais au-delà de cette préoccupation purement sanitaire, la maîtrise de ces outils permet d'inscrire les pratiques médicales et les politiques de santé dans un système de santé globalisé, de produire un certain contrôle sur les corps et les pratiques sexuelles, et de générer de nouvelles disparités, dans un contexte déjà fortement marqué par les inégalités.