Depuis le début des années 1990, mais surtout au cours de la décennie précédente, les migrants prennent des chemins jusqu'alors peu explorés, voire improbables, pour contourner les forteresses des Nords. Le renforcement des contrôles migratoires à la périphérie de l'Union européenne a eu pour double effet de réorienter les routes et de multiplier les filières.
Au sein de ce cadre global de redistribution des cartes du jeu migratoire, l'Amérique latine s'invite désormais dans les parcours africains. À la faveur de politiques migratoires accueillantes, de l'émergence d'un nouveau récit multiculturel, de son réseau d'ambassades sur le continent africain, et d'une expansion économique, le Brésil joue un rôle prépondérant dans l'éclosion de ces nouvelles migrations sud-sud. Anglophones et francophones rejoignent ainsi les lusophones d'Angola. Si les États du Paraná et de Rio Grande do Sul absorbent une main d'œuvre étrangère importante pour répondre aux besoins du secteur agro-industriel, la ville de Sao Paulo s'inscrit au cœur des trajectoires et des circulations africaines. La majorité des nouveaux venus s'établissent à Sao Paulo pour se reconvertir dans le commerce et les emplois de service. Peu à peu émerge autour de la place Républica, située au cœur de la ville, un quartier investi par les Africains, où l'on retrouve aussi bien les vendeurs ambulants sénégalais qui revendent des articles « made in China », que des restaurants camerounais, des bars, des cybers cafés tenus par des Nigérians, des boutiques de prêt à porter ou encore des salons de coiffure.
L'objectif de cette communication sera de rendre compte de ces inscriptions marchandes qui laissent progressivement entrevoir l'agencement d'une centralité urbaine. Entendue comme un espace multifonctionnel où se concentrent à la fois des logements et des activités économiques (Toubon et Messamah, 1992), la centralité est également un lieu d'identification et de reconnaissance symbolique. L'objectif sera alors d'interroger ce concept à l'aune d'une réalité empirique caractérisée par une reconfiguration de l'espace urbain sous l'effet les nouvelles présences africaines. Ces recompositions de la fabrique urbaine ne s'accompagnent pas de l'apparition d'enclaves ethniques ou d'espaces de clôture, mais s'intègrent au contraire dans un ensemble cosmopolite qui réunit également des locaux et des migrants latino-américains. Cette communication s'inscrira dans le cadre de l'atelier ‘L'Amérique du Sud ou l'émergence d'un nouveau théâtre des migrations africaines.'