Trop de marchands, trop peu de fabricants ! Médicaments et produits pharmaceutiques entre l'Inde et le Kenya
La crise actuelle du modèle des marchés pharmaceutiques en entraîne une autre : celle de la distribution des produits. L'internationalisation et l'atomisation de la production, l'émergence de nouveaux territoires de consommation, la multiplication des acteurs intermédiaires de la vente de médicaments ont en effet conduit à une explosion de la distribution, à la fois en termes d'acteurs impliqués, de complexité des réseaux de transport, de valeur ajoutée et d'importance stratégique pour le contrôle des marchés. Cela s'exprime dans certains marchés par la présence toujours plus nombreuse des distributeurs, alors même que les fabricants demeurent peu nombreux.
Pour les pays du Sud, différents aspects de cette crise de la distribution ont été documentés par des travaux en socio-anthropologie de la pharmacie, mais les étapes de la fabrication et de la distribution de gros sont encore peu étudiées. J'essaie pour ma part d'en rendre compte à partir d'une enquête (en cours) sur les flux pharmaceutiques et les opérations de contrôle entre l'Inde et le Kenya, avec une attention particulière à ces étapes relativement négligées. Mon terrain pour le moment a principalement consisté en des entretiens avec des acteurs de la fabrication, de la distribution et du contrôle des produits pharmaceutiques en Inde (Etats de Delhi et du Gujarat) et au Kenya.
La communication interroge cette crise de la distribution premièrement sous l'angle de la valeur. Le succès des médicaments génériques s'accompagne d'une multiplication des acteurs intermédiaires de la circulation des médicaments. Cette évolution suggère un déplacement des profits de l'objet médicament vers sa circulation.
Deuxièmement, la crise de la distribution doit s'analyser sous l'angle du contrôle : plusieurs outils récents de contrôle de la qualité des médicaments indiquent que des acteurs cherchent à prendre la main sur les processus de mise en circulation des matières pharmaceutiques, en favorisant certaines pratiques de discrimination entre les flux.
Troisièmement, la crise de la distribution doit être interrogée sous l'angle de l'accessibilité et des usages : en quoi l'accès aux médicaments est-il reconfiguré par la mise en crise de la distribution ? Ou en d'autres termes : qu'est-ce qui, dans l'expérience des patients kenyans aujourd'hui, est tributaire de la « crise » pharmaceutique ?
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