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Traite illégale, jeu d'alliances et volonté d'indépendance de pouvoirs africains dans le canal du Mozambique au XIXe siècle
Klara Boyer-Rossol  1@  
1 : Centre d'Etudes en Sciences Sociales sur les Mondes Africains, Américains et Asiatiques  (CESSMA)  -  Site web
Université Paris VII - Paris Diderot, Institut de Recherche pour le Développement - IRD (FRANCE)
Université Paris Diderot, Bât. Olympe de Gouges, case postale 7017, 75205 Paris cedex 13 -  France

Au XIXe siècle, la traite des esclaves à travers le canal du Mozambique fut progressivement mise en illégalité. La Grande-Bretagne avait conclu des traités avec Antananarivo (1817-1820, 1865) et Lisbonne (1842) visant à l'abolition de ce trafic. Les pays signataires devaient s'engager à prendre des mesures pour faire appliquer les accords avec leur allié britannique, en échange de la reconnaissance de leur souveraineté sur la Grande Île et une partie de la côte de l'Afrique orientale. En réalité, Antananarivo et Lisbonne ne contrôlaient pas de manière effective l'ensemble des territoires revendiqués. À Madagascar, des régions de l'Ouest sakalava étaient restées indépendantes. Au Mozambique, le littoral compris entre la baie de Delagoa au sud et Cabo Delgado au nord était politiquement morcelé. Les ports tenus par les Portugais avoisinaient de petits sultanats swahili, tantôt alliés ou vassaux, tantôt ennemis réclamant leur indépendance. Des sultans swahili et des rois sakalava avaient assuré au moins en partie leur autonomie politique et économique par le maintien du trafic en hommes et en armes. Certains chefs-trafiquants se seraient dits prêts à renoncer au trafic en échange de la reconnaissance de leur indépendance politique par les Britanniques. Ces derniers ont toutefois évité de conclure des traités qui auraient invalidé ceux signés avec les gouvernements de Lisbonne et d'Antananarivo.

L'objet de cette communication consistera à montrer comment, dans le contexte de la traite illégale des esclaves, les différentes autorités en présence au Mozambique (Portugais, sultans swahili, chefs makhuwa) et à l'Ouest de Madagascar (représentants du gouvernement d'Antananarivo, rois et chefs sakalava) ont tenté de nouer des alliances pour conforter des visées politiques, économiques ou encore militaires. Les réseaux ainsi constitués à travers le canal du Mozambique sont à replacer dans le contexte géopolitique plus large de l'océan Indien occidental. Grand concurrent des Anglais dans la lutte d'influence régionale, les Français se sont présentés comme les « alliés naturels » des Sakalava de l'Ouest de Madagascar, avec qui ils avaient contracté des traités. Des rois et chefs sakalava ont participé à fournir leurs alliés français en captifs importés du Mozambique, introduits comme « engagés » dans les colonies de plantation de Nosy Be, Mayotte ou la Réunion. Exprimant de plus en plus clairement leurs visées impérialistes sur la Grande Île, les Français étaient aussi parmi les principaux fournisseurs des Sakalava en fusils et en poudre. Durant les années 1880, l'augmentation des razzias lancées par les Sakalava en direction des régions centrales de l'île était à mettre en relation avec l'essor du trafic illégal en armes sur la côte Ouest. En se basant sur des sources archivistiques diversifiées (britanniques, malgaches, françaises), en particulier consulaires, nous tenterons de mettre en évidence les enjeux politiques et économiques du maintien de la traite illégale en esclaves et en armes à travers le canal du Mozambique au cours du XIXe siècle.



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