Proposition pour l'atelier: "Écriture du corps et expérience du retour chez les auteurs africains et afropolitains"
« ... ce n'est pas si facile qu'on le dit de rentrer chez soi »[1]
Dans le sillage d'une tradition littéraire aussi ancienne que L'Odyssée, sans oublier le texte biblique (« Le Retour de l'enfant prodigue »), le réalisme (Maupassant), le théâtre (Camus) ou la poésie (Prévert, Césaire), le récit de retour connaît au troisième millénaire une reverdie sans pareil, notamment dans le champ littéraire postcolonial. De nombreux auteurs issus de territoires « francophones » ont ces dernières années mis en mots et en fiction le retour du héros en terre natale, se livrant à ce qui a tout l'air d'être devenu une figure imposée : Daniel Biyaoula (L'Impasse, 1999), Assia Djebar (La Disparition de la langue française, 2003), Libar M. Fofana (Le Fils de l'arbre, 2004), Léonora Miano (L'Intérieur de la nuit, 2005), Kossi Efoui (Solo d'un revenant, 2008), Abdurhaman Waberi (Passage des larmes, 2009), Véronique Tadjo (Loin de mon père, 2010), Alain Mabanckou (Lumières de Pointe-Noire, 2013) ...
L'intérêt de ces fictions de retour semble résider dans la confrontation du personnage à ses origines culturelles, familiales, géographiques et par extension à sa propre hybridité, puisque l'exil et l'expérience de l'altérité l'ont souvent profondément transformé. Notre étude porte ainsi sur l'ambivalence sous-tendue par le retour au pays, par ce passage par la terre natale puisque la grande majorité des personnages ne prolonge pas son séjour et retourne dans son pays d'accueil.
Je tenterai de décrire la tension entre volonté d'appartenance et sentiment d'altérité, dans trois romans africains récents: Le Fils de l'arbre (2004), de Libar M. Fofana, L'Intérieur de la nuit (2005), de Léonora Miano, et Loin de mon père (2010) de Véronique Tadjo. Dans chacun de ces trois récits, la trajectoire de retour du personnage principal constitue la trame narrative, et permet de faire émerger certains motifs constitutifs du topos. La mort ou l'absence apparaissent ainsi comme de puissants catalyseurs, puisque l'organisation des obsèques ou la nécessité de trouver une sépulture est souvent aux sources du départ. L'expérience sensible et sensorielle du retour est sous-tendue par un questionnement identitaire qui semble parfois se définir en négatif, s'adossant successivement à un passé révolu, à un lieu que le héros ne reconnaît plus et à une communauté qui ne l'accepte plus comme l'un des siens. Notre étude se propose de comparer les textes à l'aune des réflexions littéraires et anthropologiques de S. Rushdie, H. Bhabha, A. Appadurai et d'en proposer une lecture fondée sur la fonction des lieux et des rites. De fait, nous verrons que les récits suivent au plus près le voyage intérieur et extérieur d'un personnage en quête de lui-même et de sa propre histoire, fût-elle universelle.
[1] Albert Camus, Le Malentendu, Paris, Gallimard, 1958, Acte I, scène 3
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