Les relations entre l'Amérique du Sud et l'Afrique sont rarement analysées sous l'angle de la participation des petit(e)s entrepreneur(e)s qui dynamisent la circulation des objets et des idées entre les deux continents. Pourtant, depuis les années 2000 les migrations et les mobilités entre les deux continents s'intensifient. Le Brésil est par exemple devenu un pôle d'attraction important pour les commerçant(e)s angolais(e)s qui sont attiré(e)s par le textile et la mode brésiliennes. En Angola, ce sont surtout les femmes qui sont à la tête d'un commerce de petites importations de prêt-à-porter qu'elles transportent directement dans leurs valises (par avion) pour les revendre sur les marchés informels de Luanda. Au sortir de la guerre en 2002, les commerçantes de Luanda se sont surtout dirigées vers Rio de Janeiro puis, avec l'ouverture de vols directs, c'est le marché de la Feira da Madrugada de São Paulo de qui est devenu le centre d'attraction de la mode populaire. Réputé pour son tissu en coton, ses chaussures Havanais, et ses modèles calqués sur les actrices des Telenovelas (séries télévisées brésiliennes) diffusées largement sur les télévisions angolaises, le Brésil est devenu l'Eldorado des commerçantes ambulantes. Cependant, depuis les années 2010, l'effet conjugué de la concurrence chinoise et des politiques de lutte contre la vente ambulante au Brésil ont fortement diminué la présence des angolaises qui se dirigent désormais vers de nouveaux comptoirs internationaux plus concurrentiels comme la Chine. Mais pour beaucoup d'Angolaises des classes populaires, c'est le vêtement brésilien qui a la meilleure réputation et le plus grand pouvoir de séduction.
À travers une immersion dans le commerce international du prêt-à-porter féminin, l'objectif de cette communication est de questionner les représentations et les imaginaires qui entourent le « Made in Brésil ». Les contradictions entre l'imagine d'un Brésil « puissance » et d'un Brésil « violence » nous permettrons de penser la position paradoxale des commerçantes angolaises au Brésil, qui se sentent à la fois étrangères et « à la maison » dans les espaces qui leur sont réservées à São Paulo comme les hôtels et restaurants destinés à la communauté angolaise. En comparant ces anciennes trajectoires de mobilités vers le Brésil et les nouvelles options commerciales qui attirent les commerçantes dans un contexte de crise économique en Angola, nous montrerons que le choix des destinations ne répond pas uniquement à des logiques mercantiles mais à un ensemble d'affects, de fantasmes et d'un récit multiculturel autoproduit par un Brésil lui-même victime de ses propres contradictions sociales et raciales.
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