Proposition de communication pour l'atelier "Le rôle des migrants africains dans les changements politiques de leur pays d'origine"
De nombreux dirigeants politiques ayant été à la tête de pays en développement depuis les indépendances avaient, avant leur accès au pouvoir, entrepris un parcours migratoire à l'étranger. Parmi les exemples illustrant ce phénomène sur le continent africain, Pierre Buyoya, président de la République du Burundi à deux reprises (1987 – 1993 et 1996 – 2003), a effectué une partie de ses études et plusieurs séjours d'entrainement militaire dans divers pays d'Europe avant d'accéder à la tête de l'Etat; Thabo Mbeki, président de la République d'Afrique du Sud de 1999 à 2008, a vécu un long exil au Royaume-Uni et dans différents pays d'Afrique, ou encore Henri Konan Bédié, a embrassé une carrière diplomatique l'ayant notamment mené aux Etats-Unis avant de devenir président de la République de Côte d'Ivoire en 1993.
Les expériences migratoires des leaders, bien que généralement connues, ont peu été étudiées et encore moins dans une perspective quantitative. L'objet de ce travail est de faire un premier pas dans cette direction. Nous présentons une base de données originale, collectée à partir de multiples sources biographiques, qui documente le parcours migratoire de près de 800 individus ayant été à la tête du pouvoir exécutif d'un pays en développement entre 1960 et 2004, dont plus de 200 d'un pays africain. L'analyse quantitative de ces données proposée ici passe par trois dimensions. D'abord, nous dressons un panorama des parcours migratoires des élites des pays en développement. Nous mettons ainsi en lumière l'importance du phénomène migratoire, qui concerne environ 70% des dirigeants politiques de l'échantillon, mais aussi la multiplicité de ses formes, que ce soit en termes d'objectifs migratoires (études, fonctions diplomatiques, etc.), de durées de la migration, ou de destinations. Dans un deuxième temps, nous nous intéressons plus spécifiquement au cas de l'Afrique, dans une approche comparative par rapport aux autres régions en développement. Cela nous permet en particulier d'observer le dynamisme migratoire du continent africain, où significativement plus de dirigeants politiques sont des migrants de retour, et les spécificités migratoires des leaders africains, qui sont notamment caractérisés par davantage de migration étudiante et de migration dans un cadre militaire, par davantage de migration sur les continents européen et africain, et par relativement moins de migration dans les autres régions du monde. Nous mettons enfin face à face les expériences migratoires de ces leaders, ainsi que leurs caractéristiques, et le niveau de démocratie dans leur pays, à la fois avant et pendant leur mandat. Les données innovantes présentées dans ce travail permettent ainsi de décrire un phénomène pour l'instant inexploré par la recherche quantitative, et de suggérer une nouvelle dimension des interactions entre migrations et politique dans le pays d'origine des migrants – celle de l'émergence des élites.
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