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Revisiter en Afrique les articulations entre migrations internes et internationales
Sylvie Bredeloup  1, *@  , Mahamadou Zongo  2, *@  
1 : Laboratoire Population-Environnement-Développement  (LPED)  -  Site web
Institut de recherche pour le développement [IRD], Université de Provence - Aix-Marseille I
Université de Provence - case 10 - 3 place Victor Hugo - 13331 Marseille Cedex 3 -  France
2 : Université de Ouagadougou  -  Site web
03 B.P. 7021 Ouagadougou -  Burkina Faso
* : Auteur correspondant

Les indépendances africaines, avec pour corollaire, l'établissement de frontières et l'instauration de réglementations gérant les entrées et les sorties dans des Etats nouvellement créés, ont conduit à l'introduction de nouvelles distinctions dans la circulation des populations, entre celles opérant à l'intérieur des frontières et les autres impliquant leur franchissement (Adepoju, 2004). Selon l'OCDE, sur le milliard d'humains en mobilité sur la planète (hors tourisme), 75 % relèvent de la migration interne (780 millions) pour 25 % de migration internationale (OCDE, 2014).

Dans un premier temps, les chercheurs ont étudié séparément ces migrations internes et internationales, assimilant les premières à l'exode rural ou à une migration saisonnière entre deux zones agricoles, les secondes à des départs vers l'Europe (King and alii., 2008). Puis la migration internationale a été envisagée comme le prolongement de la migration interne ; les travailleurs agricoles, d'origine rurale, transitant dans une grande ville ou dans la capitale, avant de franchir les frontières nationales et de poursuivre leur route à l'international. Or nombre de travaux remettent en question ce schéma fonctionnaliste. Dans le cas du Sénégal notamment, l'Enquête Migration et Urbanisation de 1993 (EMUS) a démontré que « l'exode rural des hommes du Sénégal n'est pas d'abord dirigé vers le milieu urbain mais à 70 % vers l'étranger » (DPS, 1995). D'une part, les migrants internationaux originaires du milieu rural ne font pas nécessairement escale dans les villes avant de se rendre à l'étranger, d'autre part, nombre d'entre eux étaient déjà des urbains. Des travaux récents mettent également la focale sur le poids des migrations internes, de zones rurales déficitaires en direction d'autres zones rurales, mieux aménages ou irriguées, et sur le fait qu'elles ne débouchent pas sur une migration internationale, en raison d'un capital social et économique insuffisant (IPAR, 2014).

Cette question de l'articulation entre migration interne et internationale en Afrique intéresse au plus haut point les décideurs politiques des pays du Nord, qui en réaction à l'augmentation des flux des migrants du Sud, notamment vers l'Europe, souhaiteraient savoir si les migrants internes d'aujourd'hui deviendront les migrants internationaux de demain (OIM, 2008). Sur le continent africain, des recherches ont pointé l'importance de la migration de remplacement, prenant en compte le rôle déterminant de migrants originaires aussi bien des zones urbaines que rurales qui se déplacent dans les villes d'où sont partis des migrants internationaux. Ces villes connaissent précisément un essor grâce aux transferts financiers des populations émigrées et deviennent un marché pour les nationaux immigrés. Autrement dit, l'émigration internationale des uns peut favoriser la migration interne des autres et permettre de surcroît l'introduction de nouveaux savoir-faire, le développement de nouveaux métiers. La découverte récente de nouveaux gisements aurifères dans un certain nombre de pays d'Afrique de l'Ouest (Burkina Faso, Ghana, Guinée, Mali, Niger, Sénégal) a conduit des hommes et des femmes à reconsidérer leur projet migratoire. Ils sont ainsi nombreux à préférer se déplacer à l'intérieur de leur pays ou vers les pays frontaliers pour participer à ces nouvelles ruées vers l'or, plutôt que d'envisager un départ plus lointain et à l'issue plus improbable. Les turbulences politiques peuvent également contribuer à redessiner les contours des migrations : c'est ainsi que les Burkinabè et Maliens précipitamment ou non rentrés de Côte d'Ivoire, selon les époques, préfèrent mettre en valeur de nouveaux fronts pionniers ou encore s'installer dans les capitales, plutôt que de réinvestir leur zone d'origine (Zongo, 2014 ; Boyer, 2015 ; Neya, 2015).

Les travaux documentant les parcours migratoires complexes fondés sur des stratégies multiscalaires seront recherchés dans cet atelier. Quelle place occupe les migrations internes dans un contexte d'internationalisation des stratégies migratoires et quelles formes prennent-elles ? Quelles nouvelles articulations entre migration interne et migration internationale se déclinent par temps de circulation migratoire accélérée ?



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