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Le génocide comme ressource stratégique : la dynamique de reconstruction de l'Etat au Rwanda post-génocide
Samia Chabouni  1, 2, 3@  
1 : Doctorante en Sciences politiques  (Université d'Alger 3)
2 : Doctorante et enseignante-chercheure invitée  (LAM)  -  Site web
Sciences Po, CNRS : UMR5115
11, Allée Ausone 33607 PESSAC CEDEX -  France
3 : Maître assistante  (Université de Jijel-Sciences Poilitiques)

Le Rwanda a connu à partir d'octobre 1990 une guerre civile opposant le régime Hutu de Juvénal Habyarimana (MRND) et le Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagamé. Elle s'est conclue par le génocide le plus fulgurant du 20e siècle, avec plus de 800 000 morts, majoritairement des Tutsi, entre avril et juillet 1994. A travers ce papier, nous analyserons comment un Etat comme le Rwanda, pauvre en ressources économiques et dévasté par un génocide de grande intensité, a réussi à se transformer en puissance régionale et à acquérir une influence considérable dans la région des Grands Lacs. En effet, le pays connaît à partir des années 2000 des avancées socio-économiques considérables, l'économie rwandaise devenant l'une des plus dynamiques du monde affichant une croissance du PIB réel de 7% en 2014[1].

Dans la continuité des travaux de Jean-François Bayart selon lequel les guerres en Afrique pourraient être l'expression, très douloureuse, d'un processus de formation d'« Etat(s) tricheur(s) »[2], nous souhaitons défendre l'hypothèse selon laquelle l'histoire du génocide serait devenue une ressource stratégique dans l'élaboration des politiques publiques mais aussi de la politique étrangère. Nous montrerons que le régime a réussi à obtenir le soutien politico-économique de pays tels que les Etats-Unis et la Grande Bretagne en s'appuyant sur le sentiment de culpabilité de la communauté internationale qui a découlé de sa passivité lors du génocide de 1994 et en mettant en avant le génocide comme référence fondamentale pour la reconstruction d'un Etat fort « post-génocide », tant sur le plan intérieur qu'extérieur. Pour ce faire, nous nous appuierons notamment sur les différents entretiens que nous avons menés auprès de personnalités politiques rwandaises et d'observateurs européens et américains au Rwanda, en France et en Belgique dans le cadre de notre recherche doctorale en cours.


[2] Filip Ryentjens, la grande guerre africaine : instabilité, violence et déclin de l'Etat en Afrique (1996-2006). Le bruit du monde, les belles lettres, Paris, 2012.


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