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ETUDIANTS AFRICAINS A L'ECOLE NORMALE D'INSTITUTEURS D'AIX-EN-PROVENCE, 1920-1928. Tensions d'empire dans une institution métropolitaine.
Olivier Jouanneau  1@  
1 : Institut des Mondes Africains  (IMAF)
Aix-Marseille Université - AMU

L'objet de cette communication porte sur l'analyse socio-historique d'un groupe d'étudiants boursiers, originaire d'Afrique occidentale française (AOF), envoyé en métropole dans les années vingt, à l'école normale d'instituteurs d'Aix-en-Provence (ENI-Aix), pour se former au métier d'instituteurs. Cet épisode méconnu, notamment en France, est pourtant un moment singulier à plusieurs titres. Premièrement, au lendemain de la Grande Guerre, l'attribution de bourses dites métropolitaines par le gouvernement général de l'AOF à des étudiants africains est le fruit d'une négociation entre les élites sénégalaises, représentées par Blaise Diagne, et les autorités fédérales. Deuxièmement, le fait de suivre un cursus en métropole est perçu comme un espoir de s'émanciper du joug colonial par toute une génération de lettrés africains. Les autorités d'AOF renoue ainsi avec une pratique déjà appliquée dans les années 1880/90 au Sénégal mais cette fois étendue à l'ensemble de la Fédération. Enfin, c'est l'opportunité pour les détenteurs de ces bourses d'intégrer le cadre supérieur de l'enseignement et donc d'avoir une égalité de traitement avec les instituteurs originaires de métropole. L'image d'une faille s'impose pour illustrer ce fait.

Cette politique s'arrête brutalement en 1925 – le dernier boursier africain est diplômé en 1928. A ce moment-là, l'ENI d'Aix est perçue comme un foyer d'agitation politique par les autorités. Nous avons recensé grâce aux registres d'inscriptions, 28 élèves-maîtres entre 1920 et 1928. Doit-on minorer cet épisode comme le pense Denise Bouche ? Seulement huit années qui semblent un épiphénomène. Cependant, du point de vue méthodologique, l'historien doit prendre en compte le champ des possibles utilisant la notion de trajectoire, c'est-à-dire penser l'historicité d'une catégorie sociale. La thèse de Jean-Hervé Jézéquel a ouvert la voie dans ce domaine. Nous postulons l'idée que l'ENI d'Aix n'a pas été un simple lieu de passage mais un lieu emblématique d'une rencontre à front renversé – le colonisé chez le colonisateur – au niveau de l'échange, de la circulation des idées, de la pratique sociale. Notre approche s'inscrivant dans une démarche d'histoire sociale analyse ainsi un groupe singulier, à savoir des jeunes africains en situation coloniale se destinant au métier d'instituteur en situation d'étude en France, cœur de l'Empire. La reconstitution de leurs trajectoires nous permettra d'appréhender leurs stratégies et leurs comportements face à l'objectif affiché par les autorités coloniales de l'AOF de former une élite assimilée à l'ENI d'Aix. Entre 1920 et 1928, ce lieu cristallise donc une tension d'empire (A. L. Stoler et F. Cooper).

 

Trois temps sont nécessaires pour analyser ce groupe de boursiers africains. Proposer une biographie collective de ces lettrés en devenir grâce notamment à leurs dossiers personnels issus des archives nationales du Sénégal. Le deuxième temps se focalise sur leur séjour à Aix mettant en évidence une expérience culturelle multiforme : une césure chronologique apparaît à partir de la fin de 1923. Enfin, la reconstitution de leurs trajectoires après Aix à travers une typologie.

 



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