Migrations irrégulières, commerce à la valise, migrations forcées, mobilités transnationales... : les diverses formes de mobilités internationales ont permis aux populations et aux territoires africains de s'intégrer à des dynamiques globales d'interactions (Missaoui et Tarrius, 2006 ; Bredeloup, 2014). Les nouveaux dispositifs sécuritaires en matière de migrations dans les pays du Nord contribuent largement à renouveler les innovations dans la mobilité mais amènent aussi à l'émergence de nouveaux territoires migratoires. C'est le cas dans différents espaces africains devenus à la fois pays d'émigration, de transit et d'immigration accueillant migrants, circulants ou réfugiés (Counilh, 2011). C'est le cas également d'individus ou de groupes sociaux, comme les élites qui déploient des stratégies de recherche d'une seconde nationalité d'un pays du Nord, dans le but de s'affranchir des restrictions à la mobilité (Mary, 2014).
La question de l'introduction d'un cosmopolitisme par la marge (Bensaad, 2009 ; Tarrius, 2011 ; Razy et Baby-Collin, 2011) amène à repenser l'urbanité et les sociabilités dans ces espaces à travers le prisme de l'altérité. La notion de cosmopolitisme implique une tension entre singularité et universalité, entre proximité et éloignement. La diversité démographique, l'exotisme et le contraste, voire l'ambivalence, sont autant de caractéristiques pour interroger l'évolution du rapport à l'Autre et à l'Ailleurs à travers cette notion. À différentes échelles (urbaine, nationale, régionale, etc.) la conjugaison de la question cosmopolitique et de la question migratoire renvoie à une interrogation sur la forme des évolutions des interactions socio-spatiales dans une Afrique plurielle et mondialisée (Brachet, 2007 ; Pliez, 2002).
Autour de la question du cosmopolitisme renouvelé dans les territoires africains, nous proposons un atelier qui pose la question des mobilités sous toutes leurs formes et de leur rôle dans l'organisation de la relation au monde en prenant en compte la labilité des phénomènes et la multiplicité des causalités. L'atelier privilégiera les communications qui associent les analyses spatiales aux analyses temporelles, la prise en compte de dynamiques à la fois globales et locales, la description de représentations et de pratiques qui renvoient à des territoires et à des identités plastiques, à la fois singulières et plurielles. Nous chercherons à saisir comment le rapport à l'autre a évolué à l'aune des modifications de la structure de la population mais aussi du durcissement des frontières et des crises politiques, naturelles ou sanitaires. Ces nouvelles configurations ne vont cependant pas sans faire émerger de nouvelles fractures au sein des sociétés africaines. Alors que dans ces pays qui accueillent nouvellement des migrants, l'altérité consiste en une tension permanente entre rejet et coopération, des différenciations se créent aussi entre groupes sociaux pouvant s'appuyer sur la ressource d'appartenances identitaires et nationales multiples et ceux dépourvus de moyens efficaces d'accès à la mobilité, faisant parfois naître le sentiment d'une « assignation à résidence ».
Fort de ces constats, cet atelier propose donc de s'interroger sur les manières de faire des sociétés africaines face au durcissement des frontières, liés à des politiques migratoires qui tendent à êtres toujours plus restrictives. Il s'agit ici de penser la manière dont l'Afrique est « partie prenante de la globalisation » (Bayart, 1999, p. 108) à l'aune des dynamiques migratoires nouvelles sur le continent. En effet, les migrations africaines semblent aujourd'hui exprimer « la tension d'un rapport de plus en plus réticulaire et cosmopolite au monde » (Bertrand, 2006, p. 118), qui rappelle « qu'au delà des territoires, les formations sociales sont structurées en réseaux et non en entités délimitées » (Retaillé, 1993, p. 57).
Ainsi, les contributions à partir des thèmes suivants peuvent êtres envisagées :
- Les manières dont les différents groupes sociaux jouent et se jouent des politiques migratoires pour s'intégrer dans la globalisation, par le biais notamment de certaines formes de « mondialisation par le bas » (Portès, 1999 ; Tarrius, 2002) ou par « la marge » (Bensaad, 2009).
- Les façons dont les contraintes liées au durcissement des frontières créent de nouveaux espaces de la migration : pays ou villes de « transit », camps de réfugiés, etc.
La question des méthodes et des échelles d'analyse de tels phénomènes : comment articuler les différents niveaux d'analyse (macro/méso/micro) ? Lesquels privilégier ? Comment éventuellement s'affranchir de ces catégories ?
- Autre