L'objectif de cet atelier est un questionnement - synchronique ou diachronique - sur la rencontre des champs patrimoine, identité et mémoire en Afrique. Il s'agit d'une réflexion croisée sur ces trois champs, patrimoine/identité/mémoire, dans une perspective historienne. Abondamment étudiés ailleurs - pour l'Europe par exemple, où la somme que représentent Les lieux de mémoire (NORA e.a.) constitue un jalon initial- ces champs de recherche, pris isolément ou combinés, ne sont pas propres à la discipline histoire qu'une approche pluridisciplinaire ne peut qu'enrichir.
Cette réflexion peut conduire à replacer les espaces géographiques dans un contexte plus global et à reconnaître des rôles de carrefour du monde en définissant des territoires de connectivité. Chère à Fernand Braudel (Méditerranée 1949) ou à Denys Lombard (Java 1990), cette notion de croisement des relations constitue le fondement même de « l'histoire connectée » (SUBRAHMANYAM, 1999). Elle prend toute sa dimension, par exemple, autour du Bab el-Mandeb et de la Corne de l'Afrique : l'espace peut être vu de l'Asie, de l'Afrique et de l'Europe quand les acteurs venus de divers horizons s'y rencontrent. Ce rôle de carrefour, ou territoire de connectivité, n'a pas disparu avec le temps, sachant que Djibouti voit passer une part importante du commerce mondial devant ses côtes.
Initialement destiné à désigner ce qui est transmis de père en fils sur plusieurs générations, le mot patrimoine s'est étendu à une conscience collective de propriété commune (BABELON & CHASTEL, 1980). La polysémie du mot patrimoine exprime l'évolution récente de son objet et de ses mutations successives. « De la cathédrale à la petite cuiller » (HEINICH, 2012), le patrimoine se décline selon un polymorphisme infini et dont la nature strictement matérielle a été dépassée depuis longtemps. A l'heure actuelle, des dialectes locaux ou des gastronomies régionales sont officiellement reconnues comme patrimoine. Sans vouloir entrer dans la mécanique de surenchère et d'inflation patrimoniales en établissant des listes sans fin, force est, cependant, de reconnaître l'importance prise par le concept et la démarche dans la recherche scientifique. Cette collectivisation des biens transmis (et leur reconnaissance) fonde la notion de patrimoine national, mondial, culturel...
Réel ou imaginé, tangible ou intangible, disparu ou ostentatoire, le patrimoine développe une forte valeur référentielle : on s'y rattache individuellement ou collectivement ; il sert de ciment ou de catalyseur dans les constructions identitaires nationales ou régionales, comme dans celles des individualités et des communautés. Cette mécanique opère à différents niveaux : local, national ou transnational. Enfin, le patrimoine est l'objet d'une mémoire collective ; laquelle mémoire recherche elle-même un patrimoine sur lequel se fixer ou, au besoin, l'invente ou le réinvente.
Sont bienvenues les communications dont l'objet est une réflexion, une analyse ou une expérience de terrain visant à éclairer des dynamiques de patrimonialisation, de constructions identitaires et mémorielles -passées ou actuelles- sur le continent africain, ou encore les analyses croisées mettant en évidence les hybridations culturelles ou identitaires définissant des territoires de connectivité.
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