Atelier : "Paysages ruraux sub-sahariens en mutation face aux accaparements fonciers"
En 2004 était découvert, à Niafrang en Casamance, un important gisement de zircon dans une dune protégeant le village et ses cultures de l'océan Atlantique. Depuis ce jour se joue un conflit entre la population villageoise opposée au projet minier – soutenue par le Mouvement des Forces Démocratiques de Casamance (MFDC) – et l'État sénégalais – soutenu localement par une partie de la population villageoise voyant dans l'ouverture de la mine les promesses d'un développement pour la région. Alors que la rhétorique de la rébellion casamançaise fut, depuis le début du conflit touchant la région en 1983, essentiellement bâtie autour de la question du pillage induit par l'économie extractive (et pensée comme réalisée au détriment des populations locales), où l'État est décrit comme le promoteur de l'appauvrissement de la région, la contestation de l'ouverture prochaine de la mine se construit désormais autour d'un argumentaire environnementaliste. Argumentaire à situer dans un contexte régional de plus en plus marqué par la question écologique où l'érosion côtière balaie villages et cultures. La contestation est ainsi passée d'une critique de la politique économique orchestrée par l'État, au détriment du développement des populations locales, à la production d'un discours liant autochtonie et préservation de la nature.
Cette communication a donc pour ambition de montrer le lien entre la nouvelle rhétorique environnementaliste et la question plus ancienne du foncier et de l'accaparement des terres par l'État. Il s'agit dès lors de décrire ce « quelque chose de plus » (situé dans l'accès au sol) d'un conflit environnementale (Prévôt-Schapira, 2008) en train de se faire. Comment le discours sur la tradition, légitimant la gestion coutumière de la propriété, se pare d'un récit de soi où l'autochtone devient le protecteur naturel de l'environnement ? Comment la question environnementale s'immisce dans le droit coutumier pour légitimer la conservation de la propriété pour la population villageoise ? Dans une arène politique complexe, regroupant divers acteurs aux intérêts antagonistes (l'État central travaillant à la réaffirmation de son hégémonie dans la région ; la Communauté rurale en tant qu'interface entre les intérêts de l'État et ceux de la population ; la population elle-même partagée entre défenseurs du projet minier et opposants), comment la question environnementale devient le support de la légitimation de l'accès à la terre et à sa gestion ? Finalement, comment le discours écologique devient un élément de la critique de l'hégémonie et de la territorialisation de l'État ? Il s'agira ainsi de mettre en confrontation les différents discours et usages du territoire entre la population villageoise et l'État, et cela dans un contexte d'accaparement des terres.