Nous devons peupler l'Empire de personnes semblables à nous et ne pas produire de bâtards mélancoliques (Monelli, 1936, cited in: Poidimani, 2005:11)
Dans cette présentation, j'explore la fragilité et les contradictions internes du discours sur l'amour et l'intimité en Afrique de l'Est coloniale et fasciste (1890-1941). En partant de l'analyse des frontières physiques qui cartographient l'espace de l'Erythrée coloniale au début du 20e siècle, je déplacerai l'analyse vers les espaces symboliques où l'intimité est effectivement négociée. L'analyse révèle des transgressions constantes - de la part des colonisateurs et des colonisés – de ce que Nagel appelle les frontières « ethnosexuelles », c'est-à-dire « les espaces sensuels symboliques et physiques où l'imaginaire et les contacts sexuels peuvent se produire entre membres de différents groupes ethniques et nationaux » (Nagel 2003).
L'article met en lumière la fragilité du discours colonial sur l'amour et l'intimité et met en évidence le décalage entre la prescription et la pratique. Les contradictions internes au monde colonial fasciste en Afrique de l'Est seront analysées aux travers de deux sources. Premièrement je considèrerai certains procès concernant les relations interraciales qui ont eu lieu pendant la période fasciste (1936-1941) lorsque ces relations étaient interdites par la loi. Deuxièmement, je proposerai de nouvelles perspectives sur l'affectivité coloniale à travers les récits des enfants nés de ces unions interdites que j'ai interviewés pendant mon travail sur le terrain. Les deux sources vont révéler les complexités de l'amour et du sexe à l'époque coloniale, mettant en évidence les zones grises où les négociations quotidiennes ont eu lieu.