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Gascon Alain

Conflit de mémoires en Éthiopie ethnofédérale
Alain Gascon  1@  
1 : Centre de recherche et d'analyse géopolitique (EA 353)  (CRAG)  -  Site web
Institut français de géopolitique-Université Paris 8
Institut français de géopolitique-Université Paris 8, 2 rue de la Liberté 93256 Saint-Denis cedex 02 -  France

atelier : "Patrimoine, identité & mémoire dans la Corne"

La constitution éthiopienne de 1995 confère aux régions-États une forte autonomie : leurs langues, maintenant enseignées, accèdent au statut officiel dans l'administration et à la télévision. Les fêtes de l'islam sont chômées dans le calendrier national à l'égal des célébrations chrétiennes. Dans le pays et dans la diaspora, beaucoup d'Éthiopiens redoutent la disparition de l'identité et de l'unité nationales : antiques sanctuaires chrétiens, monophysisme et syllabaire guèze. De nouveaux « lieux de mémoire » (Nora), de nouvelles « représentations sociales (Lacoste) concurrents apparaissent. Places et avenues des villes régionales s'ornent des statues de héros, porteurs d'une nouvelle mémoire. À Ğigğigga, feu le Premier ministre Mälläs Zénawi voisine avec l'imam Graññ, chef d'un jihad qui assaillit l'Éthiopie au xvie siècle. La fièvre immobilière fournit aux capitales régionales les moyens d'affirmer ainsi leur identité « retrouvée ». Toutefois, fort de la victoire en Érythrée en 2000, l'État fédéral a, en 2007-8, célébré à Addis Abäba et dans les villes régionales, le bimillénaire de l'Éthiopie « une et diverse ». De grandes pancartes représentant monuments, rois, marathoniens, prêtres et imans, maisons et costumes traditionnels, le café, l'UA... exaltaient 2000 ans d'indépendance et la mémoire nationale. L'Église éthiopienne, inquiète de l'essor du pentecôtisme, édifie des églises monumentales dans la capitale et des cathédrales dans les régions tandis que s'élèvent de nouvelles mosquées. Alors que Menilek, Haylä Sellasé (et Mussolini), puis la junte militaire, ont exalté la mémoire nationale à Addis Abäba et dans les villes historiques (Aksum, Harär), l'Éthiopie ethnofédérale doit composer avec une pluralité de mémoires centrifuges. L'État fédéral, toutefois, affirme son emprise centralisatrice par la construction des réseaux routiers, ferroviaires et électriques et surtout du barrage de la Renaissance éthiopienne, lieu de mémoire de l'avenir de l'Éthiopie, puissance émergente d'Afrique.



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