Cette contribution se propose d'explorer le phénomène de l'accaparement des terres perpétré ou facilité par les élites politiques au Kenya, ainsi que d'analyser les efforts de récupération de ces terrains apparus après les réformes constitutionnelles de 2010 et les mesures de décentralisation récemment mises en œuvre dans le pays.
Au Kenya, l'accaparement de terres (« land grabbing ») désigne dans son sens local la privatisation de terrains publics par des allocations illégales ou irrégulières. Organisé en réseaux complexes impliquant divers acteurs des secteurs privé et public, cet accaparement s'est révélé être très répandu dans les centres urbains depuis plusieurs décennies. Ces pratiques de privatisation, situées à la frontières du formel et de l'informel, ont permis aux élites kényanes d'accumuler des terres et des richesses. En outre, les espaces publics dans les zones urbaines se sont raréfiés, ayant ainsi un impact défavorable sur la gouvernance et la planification urbaine.
Malgré une longue histoire de politisation de l'accaparement et de la récupération de ces terrains, je propose dans cette contribution de considérer deux réponses actuelles – et potentiellement innovantes – à ces pratiques : premièrement, les actions de nouvelles institutions telles que la National Land Commission, visant à récupérer des terrains illégalement privatisés ; et deuxièmement, les actions des citoyens, dont certains se servent de nouvelles formes d'expression et de mobilisation pour revendiquer leur droit à l'espace public.
Se basant sur des recherches de terrain conduites dans la ville d'Eldoret, située dans la vallée du Rift au Kenya, cette étude trace la trajectoire historique de la privatisation illégale ou irrégulière des terrains publics au Kenya, et analyse les discours et les stratégies déployés par des acteurs variés et souvent en situation de compétition. Ainsi, cette contribution permet de comprendre comment l'Etat se construit et se transforme au gré de l'accaparement et de la récupération de ces terrains.
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