Atelier : "Régimes « hybrides » : Une autre crise de la représentation ? "
En juin 1990, la France par la voix de son Président, amplifie un mouvement très vaste d'ouverture démocratique dans les pays africains. En soutenant que la « France liera tout son effort de contribution aux efforts accomplis pour aller vers plus de liberté », François Mitterrand semblait marquer une rupture nette d'avec une vieille politique étrangère française marquée par des priorités à l'économie et au développement, sans grand égard aux libertés politiques et à la démocratie. Plus qu'une diplomatie, il s'agissait d'un encouragement pour la constitution d'un véritable espace politique de contestation et de protestation saines et concurentielles entre les différents acteurs de la vie sociale en Afrique. Depuis lors, la démocratie est devenue à la fois une conditionnalité, un principe et une finalité pour la viabilité politique et institutionnelle des pays africains. Non seulement elle agit dans le choix des dirigeants nationaux, mais aussi elle travaille sur l'image internationale des pays. Trente cinq ans plus tard, le bilan démocratique est très mitigé, l'horizon futur de ce système est plus que jamais obscurci et les peuples ont largement déchanté. Le sentiment général est que les fruits récoltés de la pratique démocratique en Afrique n'ont pas confirmé la large promesse des fleurs de 1990. Le tableau est plus que noir : coups d'Etat permanents, alternances bloquées, partis-Etats persistants, patrimonialisme débordant, fragilisation de l'Etat et de la souveraineté, sous-développement continu, etc. C'est manifestement le règne de la ‘démocrature' : maintien des logiques autoritaires sous les draps de la démocratie réelle. Et pourtant, de plus en plus, les chants en l'honneur de la démocratie n'ont jamais autant résonné. Par les cœurs ou par les armes, les « peuples » entendent tourner la page et remettre les rites démocratiques dans leurs droits en Afrique. Se jouant de la société civile, les peuples croient agir tant dans les modalités de leurs participations que dans les stratégies de gouvernance politique. C'est le sens de l'ensemble des « révolutions » récentes en Afrique. La « démocratie des palais » semble céder la place à la « démocratie de la rue » ; dans le but manifeste de restaurer la (vraie) démocratie. Pour quels résultats concrets ? Jusqu'où ira-t-on ? Cet article se propose de situer la crise de la démocratie comme le point de départ d'une nouvelle philosophie de gouvernement en Afrique. Non pas seulement parce qu'elle nous amène à démanteler les autoritarismes démocratiques qui ont depuis confisqué la vie politique et sociale en Afrique, mais aussi parce qu'elle arrive à déconstruire les modalités des participations populaires en Afrique. Les « révolutions » populaires enregistrées ces dernières années font alors l'effet des tempêtes qui, après leurs destructions, imposent de nouveaux mécanismes de régulation de la vie politique et sociale. Elles ont fondamentalement renouveler la problématique d'une structuration de l'espace protestataire ; donc de la participation (conventionnelle ou non conventionnelle) des populations.
Dans quel sens basculera-t-on ? Quel système émergera alors de cette crise du modèle actuel ?