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Didier Pierrine

Origine, diffusion et représentations des remèdes à base de plantes médicinales à Madagascar
Pierrine Didier  1@  
1 : Aménagement, Développement, Environnement, Santé et Sociétés  (ADESS)  -  Site web
CNRS : UMR5185, Université Michel de Montaigne - Bordeaux III, Université Victor Segalen - Bordeaux II
UMR ADESS Maison des Suds 12, Esplanade des Antilles 33607 PESSAC CEDEX -  France

À Madagascar, comme dans de nombreux pays en Afrique, les pratiques de « médecine traditionnelle » côtoient la médecine conventionnelle, pratiquée dans les dispensaires et les hôpitaux. Dans chacune de ces catégories de soins sont distribués et consommés des remèdes spécifiques, comme les plantes médicinales brutes ou transformées d'un côté et de l'autre les médicaments conventionnels. Ces catégories de soins sont, dans les pratiques, plus poreuses que leur appellation dichotomique. Des remèdes « hybrides » s'inscrivent également à la frontière de ces catégories, comme les remèdes traditionnels améliorés à base de plantes médicinales. À Madagascar, il existe notamment des Remèdes Traditionnels Améliorés (RTA) ayant reçu une Autorisation de Mise sur le Marché, développés depuis une dizaine d'années. Les recherches sur les plantes médicinales et le développement de remèdes à bases de plantes s'inscrivent dans une dynamique d'encadrement de la médecine traditionnelle mise en œuvre par le gouvernement malgache depuis les années 1990, sous l'impulsion de l'OMS. Les objectifs visés par ce programme de développement, d'envergure internationale, sont d'ordre sanitaire (amélioration de la santé des populations) mais également économique (fabrication et vente de remèdes). La transformation des plantes médicinales en phytoremèdes permet de déplacer la plante médicinale de la sphère informelle et quelquefois non rationalisée (consommée chez le guérisseur ou en automédication) à la sphère officielle, contrôlée et rationalisée de la pratique biomédicale. En septembre 2006, les politiques publiques et sanitaires malgaches ont autorisé l'intégration des RTA produits à Madagascar dans les formations sanitaires publiques (pharmacies des dispensaires et hôpitaux). Cependant, il semblerait qu'il y ait une faible prescription de ces RTA par les personnels soignants des dispensaires et hôpitaux, notamment dans les localités rurales, entraînant ainsi une faible consommation de ces produits. Cette faible consommation réside-t-elle alors en une difficulté d'approvisionnement initial de la part du laboratoire pharmaceutique ou vient-elle également de la non-volonté des personnels soignants à les prescrire ? Quelles sont les représentations de l'efficacité de ces produits par les individus et leurs prescripteurs ? Quels sont les enjeux et les problématiques liés à leur fabrication et leur diffusion à Madagascar ? Depuis quelques années se retrouvent également sur le marché malgache des remèdes à base de plantes médicinales, présentés comme « naturels », provenant de Chine ou d'Inde. Ces produits, pour lesquels la provenance est mise en avant et est valorisée, sont distribués par des ventes multi-niveaux (Multi Level Marketing). Dans cette dynamique, les vendeurs se recrutent entre eux et les ventes se font exclusivement en porte-à-porte, pour des produits à prix plus élevés que les médicaments conventionnels. Il existe encore très peu de législation concernant ces remèdes à bases de plantes en provenance de l'étranger, ce qui peut favoriser leur expansion et leur consommation, notamment dans la capitale, auprès d'une population ayant les moyens financiers de se les procurer. À qui s'adressent ces « nouveaux remèdes » et de quel statut et de quel discours bénéficient-ils ? À quelle demande peuvent-ils répondre et comment s'intègrent-ils, ou non, sur le marché malgache ?

Les éléments ethnographiques discutés dans cette communication ont été recueillis lors d'enquêtes multi-situées à Madagascar, de 2011 à 2013, dans le cadre de ma recherche de doctorat en anthropologie. À raison de 3 mois de terrain par an, j'ai conduit des enquêtes au niveau des institutions, associations, etc. dans la capitale ainsi que des enquêtes par « immersion » dans un village de la côte est de Madagascar, dans la région Analanjirofo. Les enquêtes ont été réalisées auprès de personnels soignants (médecins, sages-femmes, infirmiers), de vendeurs de plantes médicinales et de médicaments, de guérisseurs et de villageois. Une importance a été donnée aux discours de mes interlocuteurs, dans l'objectif d'une approche emic et qualitative.

Dans une première partie de la communication, j'exposerai l'état de l'offre en médicaments disponibles à Madagascar et leur accessibilité (géographique et financière). Je développerai les conditions de fabrication, de diffusion et de consommation des RTA à Madagascar et les représentations dont ils bénéficient (que ce soit dans la capitale, où existent des boutiques des laboratoires pharmaceutiques les produisant et en zone rurale, où ils sont moins présents). Je montrerai que le développement des RTA a tendance à servir de façon très réduite les laboratoires pharmaceutiques, qui ont tendance à les exporter plutôt qu'à approvisionner les pharmacies du pays. Les personnels soignants, notamment dans une localité rurale où j'ai fait des enquêtes et observations, sont plutôt réticents face à leur prescription et à leur consommation. Ils évoquent, pour la plupart, leur coût élevé, qui reste néanmoins théoriquement inférieur aux médicaments vendus dans les pharmacies officielles. Il sera intéressant de revenir sur les représentations du coût des remèdes en fonction de leur nature (remède « chimique » ou « naturel ») et de leur galénique. Dans une deuxième partie, j'aborderai le développement des remèdes étrangers à base de plantes médicinales, des « médicaments néo-traditionnels » (Simon et Egrot, 2012 ; Pordié et Simon, 2013), à Madagascar, tout en les replaçant dans un contexte africain plus global. Je développerai l'importance de leur provenance (attribuée, supposée ou réelle) dans les représentations de leur efficacité et donc de leur consommation. Je mettrais en avant le type de marché thérapeutique dans lequel ils s'inscrivent ainsi que les techniques de diffusion et les habitudes de consommation auxquelles ils sont liés. L'attribution d'une origine indienne, chinoise ou américaine ne correspond pas toujours au lieu de production, mais reflète plutôt le type de thérapeutique dans laquelle ils sont prescrits ou conseillés et pour laquelle ils sont diffusés et consommés. Cette communication permettra de développer l'état actuel des offres en remèdes à base de plantes médicinales à Madagascar et les enjeux sanitaires mais également politiques et économiques que ces offres soulèvent.



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