L'anticolonialisme s'est construit depuis plus d'un siècle comme un courant de pensée mondialisé. D'abord marginal et de combat, il a, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, fait progressivement l'objet d'un relatif consensus international. Pourtant, au cours du XXe siècle, l'anticolonialisme a revêtu des significations multiples. L'objectif de cet atelier est de mettre en lumière l'historicité de l'anticolonialisme et ses évolutions au cours du XXe siècle en Afrique. Il s'agit également de rendre compte de sa puissance de mobilisation.
Dans les mouvements politiques et les trajectoires de militants africains s'expriment différentes conceptions de l'anticolonialisme. L'historiographie récente a montré que la période de l'après-guerre était un moment de tâtonnements et d'interactions dont l'issue nationaliste finale n'était pas jouée d'avance. Le spectre des revendications anticolonialistes pouvait ainsi aller d'une demande de statu quo (par exemple, conserver les réformes de 1944-1946 mais sans aller plus loin) à la revendication jugée radicale d'indépendance (abolition de la colonisation), en passant par des mobilisations pour l'égalité ou la justice, dirigées plus ou moins directement contre la métropole (critique du système colonial). Ces déclinaisons multiples de l'anticolonialisme dépendaient partiellement du contexte de leur énonciation. Elles doivent donc être analysées en faisant varier les échelles d'analyse (locale, territoriale, fédérale, impériale, internationale).
Cet atelier propose aussi d'envisager les usages politiques de l'anticolonialisme et de ses avatars (anti-impérialisme, anti-néocolonialisme). Loin de disparaître avec les indépendances, cette idéologie a été un instrument particulièrement puissant de mobilisation, aux mains d'acteurs politiques en compétition pour se maintenir ou accéder au pouvoir. Que l'on songe au nationalisme anticolonial développé par Sékou Touré dès 1958, à la verve anticolonialiste de Thomas Sankara (et à la ferveur qui l'accompagne encore aujourd'hui) ou à l'anti(néo)colonialisme des Jeunes Patriotes de Côte d'Ivoire dans les années 2000, il apparaît nécessaire, au-delà d'une lecture purement instrumentale du registre anticolonialiste, de comprendre la force d'évocation collective de cette idéologie. Pourquoi et dans quels contextes spécifiques est-il demeuré un des leviers de mobilisation les plus efficaces des années 1940 à nos jours ?
Les contributions pourront envisager la question à travers des trajectoires de militants, des moments de mobilisations collectives ou des évolutions d'organisations. Elles pourront également explorer les constructions mémorielles fondées sur l'anticolonialisme, qui furent au cœur des mythologies nationalistes et dont on observe encore aujourd'hui les résonances (figures anticolonialistes, commémorations, etc...). Enfin, les communications pourront explorer le caractère mondialisé de cette idéologie, au travers des circulations d'idées et de modes d'action politique.