Cette communication propose, au sein de l'atelier « L'anticolonialisme dans tous ses états » organisé par Mme Céline Pauthier, d'apporter un éclairage sur l'utilisation et l'instrumentalisation de l'anti-impérialisme à Madagascar après l'indépendance. La communication se basera sur l'analyse critique de plus de soixante-dix heures d'entretiens [Lavrard-Meyer, Karthala, 2015, 634 p.] avec Didier Ratsiraka, ministre des Affaires étrangères (1972-1975) ayant renégocié les accords de coopération de Madagascar avec la France et expulsé les militaires français de la Grande Île, président du Conseil suprême de la Révolution de la République malgache (1975-1976) puis président de la République de Madagascar (1976-1993 et 1997-2002) se présentant comme le défenseur de l'« indépendance réelle » mais agissant de manière pragmatique face à l'ancien colon devenu premier pourvoyeur d'aide publique et d'investissements privés pour le pays. Le « discours sur le discours » du Président à propos de l'anti-impérialisme, au niveau national et mondial (non-alignés), sera analysé dans ce matériau qui constitue ce que Pierre Nora appelle une « mémoire d'État », mémoire individuelle qui s'impose comme un fragment fondamental de la mémoire collective d'un peuple, bien évidemment sujet à des reconstructions ou des réinterprétations rétrospectives de la part d'un ancien président de la République qui tente ainsi de contrôler son image et de justifier ses actes a posteriori. Ce témoignage sera déchiffré au regard de la mémoire d'autres acteurs politiques et d'autres archives permettant une mise en perspective et une analyse critique du discours anti-impérialiste et de l'usage politique qui en a été fait.