Atelier: AFRICANITÉS INDIENNES ET INDIANITÉS AFRICAINES
L'Inde est fameusement présente dans la vieille ville d'Harar. La plupart des Harari savent que les portes des plus belles maisons de la ville ont été sculptées par des artisans indiens, que le bâtiment du Musée Rimbaud de type Indo-colonial était la résidence d'un marchand indien, ou que les étoffes dites « Bombay » vendues sur le marché furent introduites par ces commerçants venus du Gujarat et du Sind à la fin du 19ème siècle. Harar fut en effet le lieu de la première implantation urbaine indienne en Ethiopie et un lieu majeur d'interconnexion entre l'Océan Indien et l'Afrique de l'Est.
Moins visibles sont les quelques grandes familles descendantes de cette communauté originelle dont l'histoire révèle un processus lent d'absorption dans la société Harari, qui peut contraster avec l'hybridation ou les trans-nationalisations observées ailleurs. Il n'y a plus d'Indiens d'Harar mais quelques Harari entretenant une double identité et surtout des Harari d'origine indienne se déclarant fermement Ethiopiens. La présentation sera l'occasion de rendre compte de ce rétrécissement de la communauté indienne d'Harar, d'en examiner le rythme et les modalités. Le rapport à l'Inde servira de fil conducteur, dans ses aspects à la fois concrets et symboliques/représentationnels.
Les entretiens conduits en 2014 et 2015 auprès des descendants de 3ème à 5ème générations et la reconstitution des arbres généalogiques montrent que les parcours varient selon les branches familiales. Cette diversité est surtout, et sans surprise, liée aux alliances matrimoniales. L'Islam comme religion partagée a joué un rôle déterminant dans la fréquence des mariages inter- communautaires et donc dans le rythme d'intégration à la société d'accueil. Les familles musulmanes sont d'ailleurs les seules à être restées à Harar. Ce sont aussi les alliances avec d'autres familles d'origine indienne, installées notamment à Dire Dawa et Addis Abeba, qui maintiennent les liens avec la communauté plus large née de l'émigration indienne en Ethiopie. Quelques-uns de ces parcours familiaux issus de la recherche empirique seront restitués pour servir d'appui au propos.
La discrétion de la communauté d'origine indienne n'exclut toutefois pas une présence parfois instrumentalisée dans la mémoire publique. Une rumeur insistante attribue en effet la paternité d'Hailé Sillasse à un important homme d'affaires indien, qui fit ses débuts à Harar dans les années 1890 sous la protection de Ras Makonnen, père du futur Empereur. Sans fondement historique, mais activement entretenue localement, cette rumeur suggère à quel point l'histoire des migrants indiens appartient aussi à l'histoire de la ville.
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