Le continent africain a été longtemps décrit comme une terre de départs : celui de ses minerais, pillés et revendus sur les places financières du marché global, celui de ses élites poussées à l'exil ou engagées dans des mouvements diasporiques, celui surtout, fondateur, de ses millions d'individus réduits à leurs seuls corps razziés et entassés sur des navires pour traverser l'Atlantique. Cependant, aussitôt, ce déracinement contraint a été imaginé par ceux-là même qui le subissaient comme comportant l'éventualité d'un retour. Aujourd'hui d'ailleurs, la presse et internet relaient par dizaines les récits de jeunes afropolitains ayant accompli avec succès cette démarche. Ainsi, qu'elle soit fictive ou réelle, heureuse ou malheureuse, permanente ou temporaire, cette perspective n'a cessé jusqu'à maintenant de hanter les littératures produites par ceux et celles qui durent subir ce déracinement ou en furent les héritiers.
Le traitement de ce motif de Jacobus Capitein à Chimamanda Ngozi Adichie, en passant par Edward Wilmot Blyden, Léopold Sédar Senghor, Scholastique Mukasonga ou encore NoViolet Bulawayo, a ainsi donné à lire depuis quatre cents ans des identités cosmopolites et hybrides, se situant dorénavant à l'interface entre plusieurs espaces et cultures. A cet effet, le corps occupa fréquemment une place prépondérante dans ses narrations. La critique s'est néanmoins traditionnellement plus intéressée à la manière dont le corps noir était devenu un enjeu de réhabilitation après des siècles de partitions binaires. Constitué dans la négativité d'un corps blanc, posé comme étant la norme, il était pris dans un réseau d'oppositions l'ayant constitué comme autre. Déconstruire une telle logique et, en particulier, l'idéologie raciale qu'elle suppose, fut dès lors l'une des revendications de nombreux auteurs, pour qui sa célébration aboutît parfois à une nouvelle forme d'essentialisation. Cependant, les pistes ouvertes par les apports théoriques des deux dernières décennies et les générations plus récentes d'écrivains (refusant pour certains d'être réduits à une hypothétique et problématique « africanité ») invitent à reconsidérer la manière dont le corps est écrit et s'écrit dans le cadre de cette négociation que constitue l'expérience du retour. Aussi bien les réflexions initiées par les théories postcoloniales, queer ou encore de l'intersectionnalité s'avèrent être autant de pistes de lectures envisageables pour saisir l'aspect mouvant de corps qui se refusent dorénavant à toute assignation et qui traduisent leur être au monde à la fois globalement et localement.
Les propositions pourront donc se concentrer sur plusieurs thèmes :
Le corps du sujet comme espace dialogique mettant en lien et interrogeant différentes normes.
L'écriture du corps dans une perspective intertextuelle d'abrogation de représentations antérieures.
Les descriptions de l'écart, de l'hybridation ou de l'adéquation entre le corps revenant et la situation qu'il retrouve.