Observé trop souvent sous l'angle de la pauvreté et de l'exode, parfois présenté comme conservateur, le monde rural africain fourmille pourtant d'initiatives portées par des entrepreneurs individuels et/ou collectifs au profil varié – leaders paysans et organisations paysannes, réseaux commerçants ou confessionnels, promoteurs de structures privés dans l'éducation ou la santé, associations, élus locaux, etc.-.
Le terme « entrepreneur » est entendu ici au sens large, débordant le cadre strict de l'activité économique privée et tient plus largement compte des phénomènes de cumuls et de chevauchements au carrefour des positions sociales, politiques et économiques, souvent intriquées. Il tient à la fois de l'élite, du big men, du courtier, du promoteur, du médiateur, de l'intermédiaire....
On peut s'interroger sur la place et le rôle des ces acteurs au sens où ils sont, à la fois, insérés dans des réseaux et des cercles de sociabilité, de proximité et de collaboration (plutôt horizontaux) et dans des champs de relations stratifiées (plutôt verticales), chacun étant tour à tour « dominant » dans un espace local de fonctionnement et « dominé » par rapport à un ailleurs. On s'attachera donc à (re)interroger les profils initiaux comme les trajectoires individuelles des big men, élites et courtiers ruraux, en lien avec les espaces et en interaction avec les sociétés qui les accueillent et qui les portent.
Ce panel souhaite notamment analyser ces dynamiques créatives à l'aune de la question de l'ouverture et du contrôle. Loin d'être enfermés dans un isolat, les acteurs du monde rural intensifient leurs interactions avec leur environnement proche ou plus lointain, notamment du fait d'une mobilité facilitée et de moyens de communication plus accessible (téléphonie). Ces entrepreneurs se situent généralement à l'interface entre la société locale dans laquelle ils évoluent, et l'extérieur, incarnant d'ailleurs la forte perméabilité entre les sociétés locales et les réseaux nationaux et mondialisés (par exemple par le biais des associations de ressortissants, dans les capitales où à l'étranger). Ils peuvent contrôler l'accès à certaines ressources, les redistribuer comme devoir s'adapter à certaines normes et règles.
Ce panel fournira aussi l'occasion de requestionner la notion de ruralité, trop souvent réduite à sa dimension agricole et aux espaces périphériques, marginaux ou enclavés. Des initiatives, il y a encore peu circonscrites au monde urbain et à sa périphérie, se diffusent de plus en plus en milieu rural (création d'écoles privées, implantation d'églises charismatiques, etc.), générant de nouveaux besoins et des aspirations, tout en permettant d'y diversifier les activités.
Quels sont ces individus ou ces groupes (constitués ou informels) parvenant à mobiliser ou à accaparer des ressources, à servir d'intermédiaires ou à redistribuer ? Y-a-t-il de figures « nouvelles » ou des profils « émergents » de big men de la ruralité ? Quelles continuités et quelles ruptures observe-t-on par rapport aux pratiques passées ? Dans quelle mesure ces entrepreneurs viennent-ils conforter ou bousculer des normes ? Ces dynamiques entrepreneuriales accroissent-elles ou pas les inégalités, légitiment-elles certains pouvoirs, favorisent-elles certaines reproductions ou l'émergence de tensions nouvelles ?
Les propositions soumises pourront également aborder la question de la redistribution des ressources, de la légitimité et de la représentativité de ces entrepreneurs. Elles peuvent s'inscrire dans toutes les disciplines des sciences sociales, et aborder des espaces issus de l'ensemble du continent.
Cette proposition de panel s'inscrit dans la thématique « Contexte local, relation au monde et glocalisation ».
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